Propos recueillis par S.B.O
C’est un sujet qui a été considéré pendant longtemps comme tabou. Le VIH ou le virus d’immunodéficience humaine est en train de reprendre surface selon les dernières statistiques qui montrent que le nombre de contaminations a récemment augmenté surtout chez les jeunes, vu leur laxisme quant à la protection dans les relations sexuelles. Dans le cadre de la semaine internationale de dépistage VIH/hépatites B et C et infections sexuellement transmissibles, l’ATP+ a mené tout un arsenal d’actions. Une campagne intitulée «GET Tested» a été lancée à grande échelle afin d’inciter à l’importance de la prévention et de dépistage individuel du VIH auprès des jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, ou ceux et celles qui sont en situation de risque de transmission. Afin d’avoir plus de détails par rapport à ce sujet, on a contacté Mme Souhaila Ben Said, présidente de l’Association Tunisienne de prévention positive ATP+, avec laquelle on a eu cet échange :
Si vous nous parlez un peu de l’association ATP+ ?
ATP+ ou l’Association tunisienne de prévention positive a été créée en 2014 jouant un rôle associatif majeur dans le domaine de la prévention, l’accompagnement et la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (Pvvih) et des populations clés en Tunisie.
Notre objectif est de communiquer encore plus sur les problématiques vécues par les populations clés, les obstacles dans la prise en charge de ces populations ainsi que sur leurs droits sociaux et économiques afin d’améliorer la riposte contre le VIH-Sida en Tunisie.
Comment estimez-vous la situation du VIH/ Sida en Tunisie ?
En Tunisie, d’importants progrès ont marqué la riposte nationale au VIH/Sida, mais les résultats restent encore bien en deçà des ambitions affichées et des objectifs des plans nationaux et mondiaux de lutte contre l’épidémie.
Les résultats des plus récentes analyses de la situation épidémiologique du VIH/Sida, enquêtes et études bio-comportementales auprès des populations clefs —les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les travailleuses du sexe (TS) et les usagers de drogues injectables (UDI)—, montrent que l’épidémie du VIH/Sida progresse avec une augmentation des nouvelles infections et du nombre des décès, notamment dans le Grand-Tunis et les zones urbaines ou côtières. Parlons chiffres, en 2020, pas moins de 4.500 personnes sont estimées vivant avec le VIH en Tunisie, dont 51% seulement connaissent leur sérologie. Ce chiffre a grimpé à 5.400 personnes dont 5.200 âgées de 15 ans et plus. 2.400 étaient des femmes, 2.800 des hommes et 200 enfants, d’après les statistiques de l’ONU.
Il est ainsi primordial que les différents intervenants ou parties prenantes (gouvernement, ministères, organismes concernés, ONGs et société civile impliquées…) lèvent certains obstacles, développent des stratégies efficaces et plus adaptées au nouveau contexte et améliorent leurs programmes de communication publique, d’éducation, de sensibilisation et d’information envers les différentes cibles de la société et des communautés clés.
Le Fonds Mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (FM) a adopté, en novembre 2021, une nouvelle stratégie pour combattre les pandémies et bâtir un monde plus sain et plus équitable. Cette nouvelle stratégie place les communautés clés au centre de la lutte et vise à accélérer une transition vers des modèles de prévention, de traitement et de soins plus intégrés et plus respectueux des droits humains. Les communautés touchées par les maladies représentent une force unique du partenariat et nécessitent un renforcement de leur leadership et de leur engagement, afin de lever les obstacles et assurer leur entière participation dans les politiques de riposte.
Etant un sujet délicat, quels sont les principaux obstacles que vous avez rencontrés dans votre lutte contre ce virus ?
Effectivement, c’est un sujet très délicat, je dirais même que c’est encore tabou. Alors, un des grands obstacles de notre lutte a trait à l’accessibilité de l’information sur le VIH/Sida et la Santé sexuelle et reproductive auprès des populations. L’information médicale des patients sur leur état de santé reste peu accessible pour plusieurs personnes vivant avec le VIH (Pvvih) en raison de plusieurs formes de stigmatisation et de discrimination. L’information sur la prévention, le dépistage et les services disponibles pour la prise en charge sanitaire et sociale du VIH-Sida reste très peu disponible ou en nette régression, surtout suite à la crise sanitaire du Covid-19.
Quelle est la stratégie adoptée par votre association pour la lutte contre le VIH ?
Dans notre association ATP+, on mise sur la sensibilisation, tel est le cas dans le dernier atelier réservé aux journalistes et qui a eu lieu du 11 au 13 novembre dernier, intitulée «Informons nous, ripostons, arrêtons le VIH/ Sida», où on a pu vulgariser certains concept relatifs au virus, corriger certaines idées reçues et mettre en évidence les moyens de protection contre le VIH et les autres IST tel que la Syphilis ou l’Hépatite C…
Nous travaillons, en continuité, également, avec les populations clés comme les travailleuses du sexe.
Qu’avez-vous préparé concernant la journée mondiale de lutte contre le VIH/ SIDA ?
Dans le cadre de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/ Sida, du 1er décembre 2022, ATP+ a préparé une large campagne nationale de sensibilisation à la thématique de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Un plan d’action de la subvention régionale du Fonds mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme (FM) et avec l’appui financier de Frontline Aids sera mis en œuvre.
La Transmission Mère-Enfant (TME) est la contamination du fœtus ou de l’enfant par une mère infectée par le VIH. En Afrique, vu sa fréquence, cette transmission est considérée comme le deuxième mode menaçant ou le principal mode de transmission du VIH pour les enfants de moins de 15 ans.
ATP+ axe ses interventions sur les moyens de Prévention de la Transmission Mère-Enfant (Ptme) et à l’importance de véhiculer les messages clés qui aident à comprendre cette approche et faire valoir les droits des femmes et des enfants. La prévention de la TME comporte toutes les actions permettant de diminuer ou d’empêcher cette transmission. Un travail de prévention et d’information est nécessaire pour sensibiliser le grand public, mais aussi les corps médicaux et paramédicaux et tous les acteurs dans le domaine de la lutte contre le VIH/Sida. Un traitement antirétroviral régulier et une charge virale indétectable permettent à une femme Pvvih d’avoir des enfants non infectés par le VIH.
Quels sont vos messages de plaidoyer pour la PTME ?
On a plusieurs messages qui sont : ‘’Les différents moyens de prévention de la Ptme permettent d’éviter les nouvelles infections du VIH d’enfant’’, ‘’Un test rapide VIH pour une femme enceinte, c’est une infection évitée pour un nouveau-né’’, ‘’Une femme Pvvih peut accoucher par voie basse’’, ‘’Une femme Pvvih a le droit d’avoir des enfants’’…
Quelles sont les actions à mettre en place afin de prévenir l’infection à VIH/IST ?
L’information et l’éducation pour la prévention sont nécessaires, à travers les actions suivantes notamment ‘’Inciter les femmes enceintes à discuter à propos de la Ptme’’, ‘’Encourager l’utilisation du préservatif’’, ‘’Encourager la fidélité dans le couple’’, ‘’Renforcer l’observance du TAR chez la femme et l’enfant’’, ‘’Encourager le dépistage du conjoint (discuter avec la femme)’’.
Il faut dire que la mobilisation communautaire ne peut se faire sans l’encouragement à la tolérance, à la discrétion par le message social, de civilisation et religieux, et également en combattant la stigmatisation et la discrimination auprès des professionnels de santé.
Un dernier mot pour la fin, Mme Souaila ?
J’espère qu’on aura accès très prochainement à l’autotest en Tunisie, comme ça on facilite le dépistage aux sujets suspects en leur épargnant toute intimidation. Car ça n’arrive pas qu’aux autres…